L’eau est essentielle à la vie. Chacun le sait. Depuis longtemps, l’homme a pris soin de ce breuvage qui est abondant chez nous et qui, il y a moins d’un siècle, était gratuit. Actuellement, l’eau est en train de devenir une des boissons les plus chères et des plus rares. Chanly a le bonheur d’être traversé par la Lesse. De tout temps, elle a rendu de grands services à la population, au bétail et aux ménagères. Cependant, il était nécessaire d’avoir des points d’eau plus proche de chez soi. C’est ainsi que plusieurs fontaines et abreuvoirs furent installés un peu partout dans le village. Il y avait suffisamment de sources pour les alimenter.
Avec l’aide des anciens du village, j’ai essayé de les répertorier car il n’en existe plus qu’une qui vient d’être restaurée il y a quelques années.
On peut distinguer trois types de points d’eau dans nos villages :
– les pompes avec ou sans bac, destinée à fournir de l’eau potable pour les gens;
– les abreuvoirs circulaires ou rectangulaires où les animaux domestiques venaient boire;
– les lavoirs couverts ou non où les ménagères venaient régulièrement laver le linge.
Parfois un même point d’eau pouvait remplir deux ou même les trois fonctions à la fois. Voici ce qui existait entre les deux guerres.
1. Pompe en bas de Marcatin
Elle était située au bas de la butte de Marcatin, rue Haie Minée, en dessous de Roches. Il devait y avoir un bac. Elle n’existe plus.
2. Prise d’eau au ruisseau du village
Les ménagères allaient puiser l’eau au ruisseau derrière le numéro 21 de la rue de la Boverie. On y abreuvait aussi le bétail.
3. Pompe de la Boverie
Elle était située entre le numéro 20 (ancienne boucherie Leclère) et le numéro 16 de la même rue, là où le quartier place la crèche à Noël. N’existe plus.
4. Abreuvoir de la Boverie
Il était situé le long du jardin au dessus du numéro 8 de la rue de la Boverie et comportait deux grands bacs rectangulaires.
5. Pompe située au coin des rues de Launet et du Centre
Elle a disparu depuis longtemps et était près du numéro 53 de la rue de Launet (au coin de cette rue et de la rue du Centre).
6. L’abreuvoir du Tombois.
Il était situé dans le tournant au pied de la rue de France, près du monument actuel. Il avait une partie circulaire (abreuvoir) attachée à un grand bac rectangulaire (lavoir). lI était déjà en démolition après la guerre de 1940.
7. Pompe abreuvoir du Moulin
Comme son nom l’indique, elle est située sur la rue du même nom. Elle existe toujours mais n’est plus alimentée. A entretenir.
8. Rinçage (Respaumache) à la Lesse
En amont du pont, les villageoises pouvaient aller rincer leur linge et l’étendre pour le blanchir sur l’îlot entre la Lesse et le canal. Il y avait une pierre à battre le linge.
9. La fontaine du centre du village.
Disparue depuis longtemps, elle était située au dessus du presbytère sur la petite place. Un bac était un peu en dessous du numéro 105 de la rue de Grupont.
10. La fontaine en face de la » Falloise »
En venant de la rue de la Falloise, elle est juste en face et de l’autre côté de la Grand Route. Elle était située au ras de celle-ci qui était moins large alors. Elle était sans doute privée, mais possédait un grand bac rectangulaire avec un plan incliné pour frotter.
11. Fontaine Noyé (Noël = nom d’homme).
C’est la plus connue et la seule qui est encore fonctionnelle. Elle est composée de deux bacs rectangulaires placés bout à bout. On pouvait y laver. Le premier bac servait au trempage et au rinçage, tandis que le second dans le sens du courant, était pourvu d’un pan incliné qui permettait de frotter. Elle a été restaurée à l’ancienne il y a quelques années. Cette eau avait une très bonne réputation. Elle était également utilisée pour laver le beurre. Elle était chaude en hiver et fraîche en été dit Madame Emma Sprumont. Elle a certainement servi d’abreuvoir également. Les bêtes salissaient les abords et même l’intérieur des bacs. C’est une raison qui n’incitait pas les femmes à y venir à certaines époques de l’année. Elle est située dans la rue des Tilleuls et l’eau y coule toujours.
12. Source de la Grotte
Elle est située près de la Grotte consacrée à Notre Dame de Lourdes à 300 mètres en amont du Val des Seniors. Elle coule dans la nature. On a émis des doutes quant à sa qualité, mais personne n’a jamais eu de problèmes après en avoir bu.
13. Fontaine Al ‘Roue
Elle était située entre les façades arrières (côté Al’Roue) des numéros 63 et 64 de la rue de France. Elle fut supprimée vers 1960. On y avait accès par des marches et le bac était encastré dans le terrain à droite de la rue Al’Roue en montant.
Par ailleurs, beaucoup d’habitations ainsi que la commune avaient un puits artésien.
Il faut ajouter que les fermiers conduisaient (principalement en été) leurs bêtes s’abreuver à la Lesse en aval du pont et sur les deux rives. D’autres viennent encore remplir leur tonneau en amont du pont, côté rive gauche.
Les lavandières
Il me faut parler ici des laveuses (lavandières) qui, chaque semaine, effectuaient un travail parfois bien pénible du moins jusque la guerre de 1914.
On l’a vu, les ménagères du village n’avaient pas de lavoirs couverts. C’était surtout à la fontaine Noyé qu’elles se rendaient. Mais vu le bétail et le déplacement, beaucoup de femmes faisaient cela chez elles. C’était généralement le lundi. Le linge soigneusement trié (blanc et couleur) était mis à tremper la veille déjà (parfois plusieurs jours). Ensuite, le lundi matin, on mettait la » bouleuse » sur la plate buse ou sur un petit poêle bas à bois. On » cuisait » les blancs. On utilisait alors un petit baquet avec une planche pour frotter et enlever les taches récalcitrantes Avec le progrès, on plaça un tube arrosoir au milieu de la « bouleuse » puis on mécanisa en mettant des batteurs à 3 pattes que l’on actionnait à la main.
Le linge plus délicat était entièrement lavé à la main au savon de Marseille (ou avec du Vigor). On le battait aussi en le repliant avec un battoir. C’était alors le départ pour la Lesse. On entassait le linge dans des mannes. On plaçait ces dernières sur une brouette et on descendait à la rivière. On allait sur l’île entre la Lesse et la dérivation en amont du pont. Là il y avait des grosses pierres inclinées et on pouvait rincer et de nouveau battre son linge. En été, on rentrait dans l’eau. Ensuite, on le mettait sécher à la » Remoye » pour le blanchir. Pour cela, on l’étendait sur le pré et on l’arrosait régulièrement. Il y avait d’autres moyens de le rendre blanc avec des sucettes bleues par exemple. On mettait aussi sécher sur les haies. Emma Sprumont venait mettre sa lessive sur une haie d’épines au Petit Pré non loin de la maison de Camille Hérin. Les plus riches avaient déjà des fils. Alors c’était un peu le concours pour bien placer ses effets par catégories et grandeurs.
C’était un travail très lourd mais, avec l’habitude, cela ne prenait pas plus qu’une grande matinée.
C’était dit-on le bon vieux temps
L’installation de la distribution d’eau à Chanly et l’efficacité des nouvelles machines à laver soulagèrent nos vaillantes campagnardes.
Il y avait probablement d’autres points d’eau dont les mémoires consultées ne se souviennent plus ou qui sont très anciens. Si vous en connaissez, faites-le-nous savoir.
Merci à Mesdames Emma Sprumont (°1917) et Eva Jacquemin (°1920) et à plusieurs autres personnes pour tous ces renseignements qui viennent exclusivement de leur mémoire.
Note du webmaster: des photos ou cartes postales des points d’eau non encore illustrés seront accueillies avec joie !
Bel article, très intéressant. Je me souviens que ma grand-mère Marie Charlier (épouse Désiré Boulard, ancien bourgmestre) allait laver son linge à la Lesse. Comme elle était impotente, grand-père installait une chaise sur le petit chariot qu’on appelait « le traîneau », ma grand-mère s’y installait avec les « bannots », et la jument l’amenait à pied d’œuvre. Même expédition pour le retour. Et puis, il fallait étendre le linge « au pachy ». J’ai toujours admiré le courage de nos anciens.