Les Mahy propriétaires
- Le moulin à eau dit de Chanly sur la rivière Lesse, garni de ses meules, tournants, volants, travaillants, vannes et ustensiles
- La maison destinée à l’habitation du meunier, ensemble les autres bâtiments et jardin dépendant du moulin (18 ares 40 centiares)
Le rendage est de 1000 francs par an et le bail est pour 3 ans » (seing privé notaire Ruir).
Jean Joseph Théophile (1827- 1912) va améliorer et rénover ses installations.
Au décès de son papa en 1864, Jean Joseph Mahy fait installer une roue hydraulique et un mécanisme nouveau système. Elle est placée par la firme Bouvette Manet et Cie de Nimy. Elle coûte 6.000 francs. On peut penser que l’ancienne roue était à pales et était alimentée par le bas, ce qui était courant pour les rivières à débits élevés. La nouvelle est à augets, fait 3 m de large et 4,5 m de diamètre. Mais le mécanisme est sans doute métallique alors qu’auparavant les engrenages étaient en bois (remplaçables et faisant moins de bruit).
Le nouveau propriétaire va sans doute mettre son moulin à bail ou prendre des aides. C’est ainsi que Jean Joseph Dubois (né vers 1830), époux d’Ermeline Lejeune, est alors renseigné meunier à Chanly. Il Ce couple y restera plusieurs années et y aura notamment deux enfants : Théophile Joseph le 19 10 1858 et Marie Hémerence 15 10 1860. Ensuite on y trouvera François Marchal garçon meunier né à Chanly
Tout cela a entraîné une modification les canaux, biefs etc. et dès 1870, le meunier demande une vérification de son usine par les Ponts et Chaussées. Il veut se mettre en ordre avec la réglementation. Je suppose que l’ancienne roue était à l’extérieur et ce n’est plus le cas.
La vérification sera faite en 1873. Notre meunier doit alors refaire un tas de demandes d’autorisation. Cependant, il n’y a pas d’opposition à son projet et voici ce qui est précisé par le conducteur de travaux : « La vanne d’abée et la roue sont enfermées sous le bâtiment du moulin qui est une espèce de cave. Il est difficile de ce fait d’en faire le plan de nivellement. Le canal de décharge est couvert. Du côté du pont, construit sur le canal d’alimentation, contre le bâtiment, il y a dans le mur environ à 60 cm du sol, une lucarne de 50 à 60 cm de largeur, fermée par des planches, sur la droite du bâtiment à un niveau inférieur au pont se trouve une porte barrée que l’on ne peut même ouvrir en entier. C’est là que se trouve l’entrée du local de la vanne et de la roue. J’ai fait ouvrir la lucarne et la porte. J’ai placé mon niveau sur le pont vis-à-vis de la lucarne de manière à pouvoir viser vers l’intérieur. J’ai fait tenir une lumière près de la mire, lumière qui s’éteignait à chaque instant par suite des courants d’air. Je n’ai pu donner un coup de niveau ».
Cependant il n’y a pas assez de force motrice et le meunier veut augmenter le niveau de retenue d’eau. Ce sera accepté et le clou de jauge sera scellé à 95 mm en contrehaut du niveau du point le plus bas du barrage sur la Lesse. Il est vrai qu’à cette hauteur, une faible quantité d’eau passe dans le lit de la rivière car le canal de décharge prend tout. Cela ne dérange en rien les riverains. C’est le conducteur Max Waxweiller qui scelle la barre de fer (jauge) dans le mur de soutènement gauche contigu à la tête amont du pont de 6 mètres d’ouverture établi au-dessus du canal d’amenée à l’entrée des bâtiments de l’usine. La retenue d’eau est juste en amont du pont et la chute importante est sous le bâtiment.
Jean Joseph Mahy va acheter des terres sur l’isle Mathieu notamment au comte d’Hoogvorst pour agrandir son exploitation.
Auguste Mahy (1869-1939) y installe une machine à vapeur pour la scierie
Au décès de son papa en 1912, son fils, Auguste, reprend les affaires et fait installer une locomobile à vapeur pour activer la scierie. Ces machines qui pouvaient se déplacer étaient précieuses pour le travail du bois. Alimentation au bois bien sûr ? De plus ces machines travaillaient quand les eaux étaient basses. Cette fois, c’est le bourgmestre Alphonse Jacquemin qui s’occupe des formalités communales. Pas de problèmes et à la Province non plus. Le moulin fonctionne en même temps que la scierie. La réglementation pour la mise en activité de ces machines est très stricte et les contrôles fréquents. Le moulin reste entraîner par la roue. Il semble que la scierie a pris le pas sur la meunerie.
Auguste Mahy équipe son usine d’une turbine
Auguste Mahy sera un homme actif, moderne, qui voyage, s’engage et tout lui réussi. Le progrès est là et les turbines hydrauliques apparaissent. Elles ont un meilleur rendement, prennent moins de place et nécessitent moins d’entretien. Dès 1916, Auguste demande l’autorisation d’en placer une pour son usine. Elle servira pour les deux industries. Cette turbine est une Schneider Jacquet et vient de Strasbourg. La scierie a l’air de marcher mieux que la meunerie. C’est l’époque du tram et du chemin de fer et la scierie fournit des billes en grande quantité. Elle travaille le chêne, le hêtre, le peuplier…
La locomobile fonctionne toujours par temps de sécheresse. Auguste se voit contraint d’approfondir son canal de décharge et de l’élargir. Il achète donc plusieurs ares à la commune sur l’isle Mathieu. Il doit aussi renforcer le mur de soutènement du chemin côte gauche et les assisses du ponceau sur le canal d’alimentation.
Auguste Mahy cherche de nouveaux débouchés.
La meunerie connaît une période de ralentissement provoquée par l’arrivée de l’électricité et des moulins électriques. Auguste va donc investir dans la fabrication des talons de galoches. Il va ouvrir une talonnerie en 1936. Il y a en effet la galocherie Jacquemin au village qui en est demandeuse. Puis il fera des talons en bois qui auront du succès bien à l’extérieur de nos frontières. Il vendra aussi ses talons à Londres, Paris, Bruxelles, etc. Cela donnera du travail à plusieurs femmes du village. Les nouvelles matières diminuent cet élan et Albert Mahy qui a repris la succession, fera des pièces de boissellerie (blochets, rosaces, etc). Revenons au moulin
Un incendie détruisit une partie du moulin à farine dans les années 1926. Le corps de logis fut notamment reconstruit.
En 1932 Auguste achète encore des terres sur l’isle Mathieu à la commune. Il donnera pour cela 3000 francs à celle-ci pour la dépréciation des prairies de Lonnet et de La Remouille. Il a aussi des problèmes avec ses peupliers qui tombent et doit encore en abattre deux qui gênent Il devra mettre une clôture de 5 ronces avec de bons piquets le long de son canal à Lonnet. De nouveau un appelé Raymond qui a des pêcheries sur Resteigne ainsi que Devillers qui tient le château viennent rouspéter pour les sciures. « Le meunier profite du sabat pour remplir son réservoir et plus rien ne coule dans le ruisseau. Plus de pêche possible ». Mahy répond que « les plaintes viennent des hôteliers et autres qui voudraient bien qu’il laisse pécher leurs touristes sur sa propriété. Elles sont infondées car il les brûle sur un emplacement près de la Lesse pour si un incendie éclatait. Pour les évacuer, il a même un système de wagonnets, mais parfois le débordement des eaux en entraîne dans la Lesse. Il y a aussi le fait que le grand ruban de la scierie est partiellement au dessus du canal de décharge ».
Le Bourgmestre Boulard fait son enquête, dit que cela peut arriver de façon non intentionnelle. Mais il faut tenir compte du fait que Mahy donne du travail à la population du village et que c’est important.
Construction et modernisation des bâtiments.
Auguste Mahy va construire le long de la Lesse une maison ou habitera la famille de Camille Lamouline qui est contremaître. A côté, il y aura une forge et un travail à usage interne. Puis dans le prolongement c’est la talonnerie.
Les annexes, fournil, grange, écuries, (donc la ferme), qui sont les vieux bâtiments sont toujours à droite du chemin qui longe le canal d’alimentation.
La scierie est entre ces deux blocs. L’eau qui alimente la turbine passe sous le bâtiment principal (corps de logis).
Une autre grande innovation est l’achat d’une chaudière à vapeur fixe de grande puissance. Elle comporte un énorme foyer alimentée en bois, sciure, etc. Elle chauffera une grande quantité d’eau qui sera envoyé pour alimenter la machine à vapeur fixe, un chauffage central dans les bâtiments, et un séchoir pour le bois de la talonnerie. Il fallut alors construire une énorme cheminée en brique pour évacuer la fumée.
Une turbine plus petite remplaça la vieille et servit à faire du courant continu à l’aide d’une génératrice, puis actuellement d’un alternateur. Le surplus est envoyé au réseau (notamment au village et à Resteigne) suivant un contrat.
Albert Mahy (1915-2004) reprend la succession.
Il est évident que ce nouveau propriétaire qui reprit les affaires au décès de son père en 1939, était déjà dans le bain depuis plusieurs années. Mais la guerre arriva et mobilisé, Albert Mahy partit 5 années en Allemagne. Pendant ce temps, son épouse engagea un gérant pour la talonnerie, un certain Henrotay. Cela ne marcha pas et cette section dut fermer.
Les bâtiments souffrirent aussi de la guerre puisque les américains bombardèrent le petit pont de béton sur la Lesse, une partie du corps de logis. Il y eut aussi des vols de matériels.
La famille Mahy s’occupe surtout de la scierie et laisse des meuniers qualifiés tenir le moulin à farine. Les derniers meuniers sont Louis Barvaux (il venait de Resteigne), Constant Deverdenne et Camille Michel (on l’appelait Dixi et il venait également de Resteigne travailler à pied ou à vélo). La guerre de 40 sonnera le glas de ce très vieux moulin mais on moulut encore jusqu’au début des années 1960.
Actuellement seule la scierie de bois de chêne fonctionne encore. On peut dire que la famille Mahy a employé et fait travailler bien des habitants des environs car elle avait ses bucherons, ses débardeurs, etc. Plusieurs dizaines d’hommes et aussi des femmes ont trouvé là un travail à proximité de leur habitation.
Camille Lamouline qui était contremaître y avait sa maison à l’intérieur de la scierie, le long de la Lesse près d’une forge aménagée pour les besoins internes.
La vieille turbine ne fonctionne plus contrairement à une nouvelle. Le foyer de la machine à vapeur s’est éteint et la cheminée ne fume plus. En 1985, que l’usine fit placer une cabine haute tension. Elle produit encore du courant grâce à sa turbine et a un contrat avec la Société d’électricité.
Deux chaines modernes de sciage ont été placées dans les bâtiments de la scierie. Tout est électrifié et automatisé.
Michel Mahy (2004- )
La scierie poursuit son chemin en travaillant surtout le chêne. Bien sûr le nombre d’ouvriers à diminué mais la conjoncture économique n’est brillante pour personne. Le stock de bois scié est important et le site de la scierie a nécessairement pris un aspect moderne. On ne peut que souhaiter bonne route à cette scierie familiale, dernier témoin de la vie industrielle à Chanly.
Sources
– Echevinages de Chanly. Archives de l’Etat à Saint Hubert (AESH) et Arlon (AEA)
– Registres paroissiaux de Chanly. AEA
– Chanly aux temps oubliés par le centre d’Histoire et de traditions de Wellin
– Documentation André Danis de Versailles
– Documentation de Michel Mahy
Camil Michel était mon grand-père, mais le surnom de dixi était celui de son père : Alexis Michel; Camil, était bien meunier pendant la guerre à Chanly, si vous voulez plus de renseignements contactez ma mère : Michel Monique, 15 rue des chasseurs ardennais à Han-sur-lesse.